C’est l’histoire de Maïmouna, de ses cheveux crépus, de son accent cassé, du pétillement ravagé dans sa voix, de ses mains qui tremblent. C’est l’histoire de la falaise que toute femme porte en elle ; tant qu’elle la tient éloignée, sa vie reste assez tranquille, elle se lève chaque matin, parle la langue apprise, vaque à ses activités, fait ce qu’on attend d’elle, elle bouge, elle fonctionne. Mais la falaise est là qui veille, il suffit d’un moment de trouble et nous voilà au bord du gouffre,c’est alors sans retour. Penchés vers ses bords escarpés, face au vide, nous voyons les ténèbres en nous, nous sommes dans l’emprise de cette folie. Nous discernons notre propre fin, découvrons ce qu’est le temps, sa matière cotonneuse, ses fils inextricables qui aveuglent et ligotent, abusent et abandonnent.
C’est l’histoire de Maïmouna face à cette falaise.
C’est la traversée d’une vie, celle de Maïmouna, née en Afrique et fille du Liban, écartelée de cimetière en récits décousus, à la recherche d’une famille introuvable. C’est un questionnement continu, la quête d’une famille, le lieu des premiers émerveillements, le pôle originel du désenchantement, les loyautés massacrées. Liens, déliaisons, renouement, grillages ; c’est l’histoire de Maïmouna interrogeant cette balle à déflagration que l’on se balance, on la reçoit de mains rassurantes,mains maternelles, voies paternelles, on saisit ce colis, on le perd, le rattrape au vol ; il finit toujours par imploser en nous.
C’est l’histoire de la ligne de démarcation de Beyrouth, du cimetière marin de Grand-Bassam, de la rue Makhoul,des escaliers de la maison de Treichville, de la Corniche de la Mer, de Zrariyé, de la Méditerranée et de l’Atlantique, de la lagune Ebrié et du fleuve Litani. C’est l’histoire de lieux emmêlés dans des exils continus, histoire de lisières, d’interfaces remuantes.
5 rue du Helder, 75009 Paris, France